Tel grand cygne éthéré, parti…

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Un jour, je me suis dit : « poète, à quoi sers-tu ? »
Peu enclin à laisser les questions sans réponses,
J’ai accordé mon luth ; je me suis revêtu
D’éclairs brillants, d’or et métaphores absconses !
Je trace désormais des vers à tout moment ;
Et c’est tantôt Gaieté, tantôt Mélancolie,
— Ou les deux à la fois, mêlées intimement —
Qui berce de ses chants ma légère folie !
C’est l’oubli consenti et c’est l’amour vainqueur
Qui tombent à propos, lorsque, d’un trait j’exprime
En langage imagé ce que j’ai sur le cœur :
Plaisir éprouvé, spleen, ou désespoir ultime
Mais, mon spleen… C’est bien tout ce que j’emporterai
Le long du grand chemin vers la Nuit éternelle,
— Lorsque viendra mon tour… Enfin… Quand je mourrai —
Lavé de tout orgueil ; dans la paix solennelle !
Parce qu’il n’est pas dit que mes vers survivront !
Qui voudra évoquer ma pauvre âme enterrée,
(Tout aimé que je sois) quand au Ciel s’en iront :
Rimes fières, mots blancs, écriture éthérée ?
Ah ! Sur ma tombe, alors, mes amis me diront :
« Quel don as-tu reçu, pour se faire confondre
En des nimbes ardents les moiteurs de ton front ? »
Seul, peut-être, un poète aurait su leur répondre.
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© Yannig WaTeL 14 mars 2016
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14 réflexions sur “Tel grand cygne éthéré, parti…

  1. Bonjour, j’aime beaucoup ! ! !
    Une petite question pour ce vers : « D’éclairs brillants, d’or et métaphores absconses ! », est-ce voulu qu’il soit « difficile » à lire ? J’avoue ne pas trop connaître les règles de l’art de la poésie, j’écris comme je ressens sans en connaître la théorie. Mais parfois lorsque je lis un vers comme celui ci qui se détache des autres par sa consonance, je me demande si je ne passe pas à coté de quelque chose de travaillé et je trouve ça dommage. Je me suis procuré le Que sais-je ? sur la versification, je crois que je vais me décider à l’attaquer ! N’y voyez aucune critique » négative », je cherche juste à comprendre certainement quelque chose qui m’échappe. Merci 🙂 Christine.

    • Très intéressante question, Christine, merci de me l’avoir posée.
      Je vais essayer d’être bref et compréhensible… Donc, il s’agit d’un alexandrin (avec césure à l’hémistiche, naturellement) comprenant une allitération (une allitération ou peut-être une assonance) du phonème « or » que l’on retrouve dans « d’or » & « métaphores » et par ailleurs dans « accordé ; désormais ; orgueil ; lorsque ; alors » qui a pour but de renforcer l’idée de richesse et de rutilance suggérée dans « brillants » en plus de la césure placée juste avant « métaphores absconses » un peu à l’image d’un soupir qu’un musicien pose sur une partition, pour la respiration, parce que la poésie a pour principe le dosage précautionneux d’éléments subtils que sont les figures de style, telles que la métaphore, dont j’use et abuse… D’ailleurs, le titre (quelque peu abscons) de ce poème en apporte la confirmation !

      Merci pour cet échange, j’apprécie particulièrement quand un commentaire ne se limite pas à de simples flatteries et qu’il fasse l’objet d’une réflexion, qu’il porte à discussion.

      Chaleureuses pensées.

      • Merci ! Et bien l’effet est tout à fait réussi ! Car lorsque je l’ai lu je me suis dit « houla il est lourd ce vers et très « rrrrrr » », et le mot « or » est très parlant dans sa lourdeur. Ce vers tranche avec les autres. Je connaissais cet effet mais je ne pense jamais à les utiliser et je ne les reconnais pas toujours dans les poèmes. En fait je ne réfléchis pas trop lorsque j’écris. C’est une espèce de soulagement, parfois un empressement même. Je devrais peut être maintenant m’attarder plus sur tout ça car je sens mon écriture « pauvre » parfois.
        J’aime aussi beaucoup ce vers : » Parce qu’il n’est pas dit que mes vers survivront ! », il est idéalement situé dans la lecture. On dirait que l’on sort de la lecture pour un petit retour à la réalité et qu’on s’y replonge comme si de rien était.
        Merci pour l’explication, je me souviens avoir vu tout ça lorsque j’ai lu Baudelaire car je voulais réellement tout bien comprendre de lui car il me transporte. J’ai tout lu Baudelaire par la suite.
        Très bonne journée à vous 🙂

  2. C’est vrai…la fortune du poète lui vient souvent bien tard, à titre posthume…si bien que durant sa vie il reste un peu frustré d’un travail honnête et méritant, d’un art parfois moqué mais cette érudition qu’il acquiert est une récompense en elle-même lorsque le poème façonné de sa main s’affiche, animé, bien parlant… et qu’il s’élève fier pour proclamer son message…Il appartient aux sages d’en apprécier les cygnes…

    • La poésie est difficile à lire pour beaucoup de personne. Je ne sais pas si c’est à cause du rythme ou si c’est parceque c’est très codifié.

    • Heureusement que je ne passe pas mon temps à me pencher prétentieusement sur la question du souvenir qui survivra ou pas dans la mémoire collective de mes contemporains !
      Et heureusement que je ne cultive pas non plus le désir d’atteindre à la postérité et heureusement aussi que mes envies de renommée ne vivent pas au-delà de 10 minutes après la parution de chacune de mes créations !

      Merci pour cette intervention fort à propos, pour cette réflexion à point nommé, Pat. Le message est bien reçu, le courant est passé.
      Amicalement.

  3. On espère tous laisser une trace après notre mort, mais déjà la vie que nous avions est elle-même une trace pour ceux qui restent… C’est un texte magnifique que vous avez écrit là, qui relate de façon très lucide les méandres du poète et de sa poésie, ses errances et ses doutes… Pour tous ceux qui écrivent c’est en effet vers ce cheminement que nous allons…
    PS : mention particulière pour la chanson de Feu!Chatterton, un groupe que j’adore dans ses envolées lyriques et sa musique électrique et cette chanson « Fou à lier » me touche particulièrement… La sensation du poète d’être « à part » sans doute…
    Merci pour vos mots.

    • Merci beaucoup, Lou, d’être venue lire ce poème et de l’avoir apprécié, j’ai l’impression que vous avez ressenti les choses de façon assez intense.
      Je crois que ce poème est celui dans lequel j’aurai le plus cherché à transmettre mes émotions, exprimer mon moi intérieur et délivrer des messages.

      En effet, la vidéo qui complète le poème avait pour but de donner du poids et de l’intensité à mes mots, rendre mes sentiments plus visibles. Je l’ai choisie parce qu’elle me touche particulièrement, moi aussi… Et me concerne. Même si je déploie des efforts considérables auprès de mon entourage pour essayer de me rendre vivable 1 jour sur 2 !
      Parce que je me sens… tiraillé entre l’idéal et le spleen. Moi aussi, comme Charles !

      Amicales pensées.

  4. Ecrire la poésie, de la mélancolie à la joie, du bonheur au malheur, un ressenti, un état d’âme, une plume à fleur d’un « moi » ou d’un « émoi »… tu sais si bien le faire, quelle importance que les mots deviennent grands ou pas pour s’inscrire dans l’histoire…. Bisous

    • Un retour aussi remarqué qu’inattendu, Flore ! 🙂
      Un chaleureux merci pour cette façon bien à toi de traduire et d’exprimer tes émotions, avec ta sensibilité verbale sans pareille.
      Je t’embrasse.

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