Poésie libérée conservatrice, plutôt orientée vers le symbolisme, qui s’attache à suggérer des états d’âmes, refléter les mouvements de l’esprit et du cœur.
C‘est un de ces soirs où tout (sombre mais splendide) Languit fiévreusement à travers les couchants ; Un soir où la Lune semble veiller, placide, L’oiseau dans son nid qui éparpille ses chants
Tranquille et serein, pareil à l’ange qui passe Glissant, d’un pas léger dans l’air confidentiel, Tout se confond, se mêle et se parle à voix basse : C’est tout le terrestre qui épouse le ciel !
D’astre en astre, du haut des sphères éternelles – Que seul l’œil initié au mystère sait voir – Pour moi (rien que moi) mille étoiles fraternelles Se dévoilent, filent, abolissent le noir
Et j’en voudrais pleurer, tant m’est enchanteresse La nuit, qui déploie ses voiles d’or scintillant Dans la paix muette, immuable, charmeresse ; Au sein du firmament de mille feux brillant !
Ô ciel doux et cher à mon âme recueillie, Dieu que ce soir est beau ; bien plus qu’un rêve bleu ! Soir de larmes d’amour et de joie rejaillie, Où (soit-il entendu) j’ai formulé un vœu.
"C'est un trou de verdure où chante une rivière"—Arthur Rimbaud
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C‘est un coin de nature où, l’âme reposée : Dès qu’ont cessé les temps froids, longs et somnolents, Sur l’herbe humide et fraîche encore de rosée J’aime à poser mes pas légers, feutrés et lents
Sans autre but que de marcher, dans la lumière, Nonchalamment je vais où me mène le cours (Tout en déploiements méandreux) d’une rivière Dont l’eau coule, douce, comme coulent mes jours
Et la vie, soudain, prend un aspect moins austère, Tellement est puissante l’infinie majesté Que m’instillent aux yeux, avec tant de mystère : Les tons changeants, sur l’eau, du ciel bleu reflété !
Seul, libre et fervent, je pourrais chanter, mais n’ose Troubler l’âme calme des lieux (peu fréquentés) Où s’épanouissent, sitôt l’aube déclose : Flore intacte et faune d’inédites beautés
Ô chemins à peine frayés, sentes fleuries ! C’est dans ce bel écrin de vivantes verdeurs Qu’intimement, j’unis rimes et rêveries ; Enivré de couleurs, de fredons et d’odeurs.
"La musique souvent me prend comme une mer" — Charles Baudelaire
২ටැ
En un coin de ma chambre, il est une commode Dans laquelle, un album photos (gardé secret) Immortalise un homme au charme très discret : Cheveux mi-longs et vêtements passés de mode
Fixé, le Souvenir de mes plus jeunes ans S’y repose – à jamais imprimé dans la glace D’un papier calandré – flou et vague en surface Mais, en profondeur pareil aux grands océans
Lorsque tout me fait mal, que le regret me gagne : Sachant combien à l’âme il m’octroie de douceur, Je parle et confie tout ce que j’ai sur le cœur À ce bout de Moi qui, chaque instant, m’accompagne
Et plus rien ne me vient de fâcheux ou d’amer ! Reste l’écho, berceur, d’une ancienne musique Qui me fait au moral un bien presque physique : La nostalgie, souvent, me prend comme une mer.
Je m’éveille au bruit qu’en clapotant la pluie fait Sur ma terrasse de grès bigarré gris-rose : Eau en pleurs de douceur, prodiguant le bienfait Aux fleurs immensément ouvertes, qu’elle arrose
De corolle en ombelle, un éclat chamarré Tisse et projette à longs traits sa brillante trame ; Le feu tempéré dont le matin s’est paré M’illumine l’âme, lui-même ayant une âme
Après les beaux rêves, c’est un ravissement : Ô tout le Céleste, malgré les vitres closes, Qui m’apporte vie et lumière, doucement Et pénètre jusqu’au cœur de toutes les choses !
Qu’il fait bon garder la chambre, avec plein les yeux, Ces diamants de ciel aux faces mordorées ! Ivre de musique liquide, voir je peux : Danser avec le vent, les ondées aurorées.
Une âme s’éveille, nouvelle, au jour tombant Et dans la nuit qui vient, ô vision coutumière : Qu’il est beau de voir, drapés d’ombre et de lumière, Les nuages dorés se fondre au soir flambant !
Sur l’herbeux bocage, le Printemps vient d’éclore ; Et même s’il vente et qu’il pleut à verse, Avril – Mois des renaissances – a recouvert d’un fil Sa nudité, parée des splendeurs d’or de Flore
Sur les grands parterres, tout est scintillement ! Découpés en guipures et fines dentelles, Les rais lunaires deviennent des cascatelles Où l’eau s’arpège en babil et chuchillement
De partout, un parfum monte, fauve et sauvage : C’est la Vie qui jaillit, des orients aux couchants ; Ô vastes chefs-d’œuvre d’églogues et de chants ! On se croit approcher de la fin d’un veuvage.